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Histoire bretonne - Du sang de Poher en Pays bigouden ?
En publiant la « Montre générale » de la noblesse de Cornouaille de 1481 , j’ai eu l’occasion de démontrer comment l’alliance d’un sire de Rostrenen avec une fille d’un sire de Quintin avait amené l’implantation d’une branche de la maison de Quélen et, à travers celle-ci, d’un rameau de la maison du Vieuxchastel, à la pointe nord-est de la Cornouaille, à Plounévez-Quintin en particulier. Cela se passait au XIVe siècle. Il semble qu’un cas similaire ait conduit à l’implantation de rejetons de nobles du Poher dans la mouvance proche du sire de Pont-l’Abbé, à Tréméoc et à Combrit, au sud-ouest de la Cornouaille médiévale cette fois-ci, également au XIVe siècle.
Le camp des anti-Mauclerc Avant de préciser ce « marcottage » lignager, rappelons que dans le début du XIIIe siècle, presque toutes les maisons dont il vient d’être question se sont trouvées liguées contre une novation décidée par le duc Pierre Mauclerc : le bail des mineurs. Il s’agissait de la faculté pour le duc de Bretagne de s’emparer de l’administration des fiefs de ses vassaux lorsqu’ils étaient à la fois orphelins et mineurs. Le but immédiat de cette mesure était, pour Mauclerc, de mettre la main sur le comté de Penthièvre, qui contrôlait une part immense du territoire breton. Henri de Penthièvre, on le sait, avait été le premier pressenti pour épouser l’héritière de la Bretagne, Alix de Thouars, avant que Mauclerc, par décision du roi de France Philippe Auguste, n’en reçoive finalement la main. Le but de cette union d’Alix et d’Henri aurait été de réunifier la Bretagne sur ses propres fondements historiques, ce que Philippe Auguste rejetait pour les raisons que l’on devine. Pour Mauclerc, dominer le Penthièvre et y installer des hommes à lui représentait un enjeu primordial pour son pouvoir et pour sa paix future. Il le faisait en instaurant le bail des mineurs. Les cadets de Penthièvre, seuls maîtres jusque-là de la tutelle de leur aîné mineur, prirent sa défense contre l’usurpation. Et contre cette même innovation qui choquait leurs traditions, leurs franchises et leurs privilèges, les principaux feudataires de Basse Bretagne rejoignirent aussitôt les cadets du jeune comte de Penthièvre dans une levée guerrière. Cela s’appela la guerre du Bail et dura environ de 1218 à 1222. Parmi les opposants à Mauclerc, les cadets de Penthièvre, donc, c’est-à-dire au premier chef Coetmen et Quintin, puis les sires de Léon, Hervé du Pont, le vicomte de Poher probablement, dont les rejetons seront bientôt les sires de Kergorlay et de Rostrenen, mais aussi Quélen, les ramages de Vannes avec Lanvaux (donc Trogoff), et, au début, le vicomte de Rohan, dont le revirement semble avoir scellé l’échec de la coalition. J’ai signalé que beaucoup de ces coalisés portaient des armoiries proches : Penthièvre-Avaugour « d’argent au chef de gueules », Rostrenen « fascé d’hermines et de gueules », Lanvaux « d’argent à trois fasces de gueules », Quélen « burelé d’argent et de gueules ». Hervé du Pont, lui, se plaçait plutôt dans l’orbite héraldique des sires de Léon. En 1262, au moment de la paix définitive entre les sires de Léon et le duc, le titulaire de la branche cadette continuait à distribuer des exemptions de bail à ses vassaux, dans un évident esprit séditieux. Encore au XVe siècle, les aveux du sire de Quintin au duc de Bretagne mentionnent explicitement que, dans la mouvance proche du fief de Quintin, il ne se perçoit ni bail, ni rachat. Le sire de Rostrenen a ratifié le changement du bail en rachat en 1275, mais ne cessera que très tard d’interjeter appel des décisions juridictionnelles du duc en parlement devant le parlement de Paris, malgré l’interdiction maintes fois faite et répétée par les ducs successifs. Sourdement, subrepticement, mais clairement, les vaincus de 1222 n’ont jamais baissé les armes contre le pouvoir ducal et ils ne se sont réconciliés avec les ducs que très tardivement. Pour Rostrenen, cela se fait autour de 1407, le titulaire de ce fief devenant chambellan, un office qui se transmettra par la suite aux sires de Pont-l’Abbé. Il semble qu’il y ait eu une période de crise particulière dans cette opposition persistante, vers 1300. À cette époque, les alliances croisées entre les vaincus de 1222 ne cessent de se répéter : une fille de Quintin épouse un sire de Rostrenen, un fils de Quélen s’unit avec une fille de Rostrenen, on y trouve aussi des alliances du côté du Léon, et logiquement, une fille du sire de Pont-l’Abbé, Ame ou Amon, convole avec Pierre, sire de Rostrenen, ce qui produit les effets dont il est ici question. Notons que, quelques années à peine après ce mariage, le sire de Pont-l’Abbé suivant épousera une fille du sire de Léon, ce qui laisse supposer que la crise n’est pas terminée. Un pied de Rostrenen en Pont-l’Abbé Même si, en vertu de l’assise au comte Geffroy de 1185, on ne pouvait démembrer les fiefs, il était de coutume d’attacher en dot à la main des filles de ces dignes seigneurs des inféodations dans la mouvance proche de leur père puis de leur frère. Ce mécanisme a porté des droits prééminents à Rostrenen en Plounévez-Quintin comme je l’ai dit plus haut. Au XVe siècle encore, les aveux de Rostrenen mentionnent cette enclave et son mille-feuilles lignager (avec Quélen et Vieuxchastel en arrière et arrière-arrière-fief). On ignore en revanche quels droits furent donnés à Amon du Pont. Peut-être s’agissait-il des manoirs que l’on trouve ensuite dans la dot de l’héritière de Rostrenen, mariée vers 1440 avec Jehan du Pont : Coetmeur à la frontière de Plonéour et de Pluguffan, et Kerobéran en Tréméoc. Il est en tout cas assez curieux de trouver, en Tréméoc, une maison dont les armoiries sont très éminentes en Poher et dans l’entourage même des sires de Rostrenen : celle des sires de la Coudraie, qui portent « vairé d’argent et de sable, à la cotice de gueules ». Ce « vairé d’argent et de sable » n’est autre que les armes de la maison de Pestivien, dont les liens avec celle de Rostrenen sont bien connus, en particulier grâce à l’enquête de canonisation de Saint Yves, au XIVe siècle toujours. Les La Coudraie de Tréméoc ne seraient-ils pas un rameau cadet (ou bâtard) des sires de Pestivien ? Parmi leurs inféodations voisines, il en est une qui attire l’œil, puisqu’elle concerne l’un des sites les plus troublants de la paroisse de Combrit, celui où une parcelle de terre nommée « Corn Bouden » signale peut-être une ancienne motte féodale, et qui se nomme aujourd’hui… Quélen, autrefois Quelennen, ce qui renvoie évidemment encore au Poher et au groupe de lignages cités plus haut. Cela y renvoie d’autant plus que, en 1414, le titulaire du pouvoir de ce lieu-dit Quélen a pour patronyme… Tanguy, un prénom très lié au lignage vicomtal de Poher et à ses descendants. Hélas, ce Guillaume Tanguy du Quelennen de 1414 ne porte pas les armes des Quélen du Poher (« burelé d’argent et de gueules »), mais se rapproche de celles des Quélen du Porhoet (« d’argent à trois feuilles de houx au naturel » pour eux, « d’argent à six alias sept feuilles de houx d’azur » pour lui), ce qui ne permet pas de boucler le raisonnement avec une entière satisfaction. Quoi qu’il en soit, il semble bien que, pour répondre à l’implantation dans sa mouvance proche de la maison Foucault (qui porte les « fleurs de lys » liées au lignage capétien des ducs de Bretagne de l’époque), dont le fief de Lescoulouarn (certainement antérieur à 1300) s’étend sur une importante fraction de la paroisse de Combrit et en particulier sur presque toute la trève de Lambour qui inclut un faubourg de la ville de Pont-l’Abbé, on peut émettre l’hypothèse que le sire de Pont-l’Abbé ait profité d’une alliance matrimoniale avec le sire de Rostrenen pour tenter de créer un fief, La Coudraie, capable de résister à l’expansion de son incommode vassal de Lescoulouarn sur Tréméoc et Combrit. Date de création : 20/09/2013 @ 00:38
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